La philosophie et la mise en place de pratiques permacoles sont indissociables de la notion de design. En effet, pour être optimale, la Permaculture nécessite une organisation de l’espace qui doit être anticipée et réfléchie afin de permettre l’harmonisation des différents espaces et une meilleure interaction des hommes avec leur environnement.
Quand on applique ces principes à l’agriculture ou au maraîchage se dessine alors un espace occupé au centre par une zone principale ou « zone de vie », autour duquel plusieurs zones vont être définies et s’articuler entre elles. Cet agencement particulier doit permettre un enrichissement du sol et de l’écosystème local, et ainsi le rendre plus productif, tout en dépensant le moins d’énergie possible.
C’est ainsi que s’est organisée, par exemple, L’Ecolieu de Darou Salam. Abdallah Diatta et Noémie Savel Diatta, fondateurs du projet, nous racontent : « Tout a commencé autour du puits, qui est au centre du terrain. Au fur et à mesure, divers espaces se sont dessinés : L’espace de vie près du puits, auto-construit avec l’argile du terrain, l’espace maraîcher avec des fruitiers, agrumes et fertilitaires, l’espace Bois Sacré avec la replantation d’arbres en voie de disparition, l’espace élevage avec des poules, canards, chèvres et abeilles, le verger où poussent des manguiers et enfin, l’espace jardin avec, à nouveau, du maraîchage et des plantes aromatiques et médicinales.
L’espace a été organisé après un temps d’observation du terrain afin de partir des ressources existantes : tenir compte du relief, de l’ensoleillement, des espèces végétales endogènes, la pédologie des sols… ce qui a permis d’initier des actions adaptées : diviser un espace en 4 pour faciliter la rotation des cultures, planter selon l’ensoleillement et les ombres…
Ainsi à une échelle communautaire voir même individuelle (comme la pratique du Keyhole), la Permaculture s’appuie sur le design pour exister. Qu’en est-il à une échelle plus grande, lorsqu’il s’agit d’appliquer les principes de Permaculture à un quartier ou une ville ? Est-il possible d’avoir recours au design permacole pour organiser la société et les relations entre individus ?
Aujourd’hui, les notions comme le «Design For All» commencent à faire leur chemin et à s’imposer progressivement comme des piliers au préalable de l’aménagement d’espace. Il s’agit alors de prendre en compte les besoins et particularités de chacun pour aménager la société dans sa globalité, c’est-à-dire tout ce qui peut être conçu et créé, que ce soit l’environnement bâti, les objets de tous les jours, les services administratifs ou sociaux, la culture, le divertissement ou encore l’information. Le « Conscious System » va encore plus loin en ajoutant la nécessité de prendre en compte la spiritualité, la solidarité, la justice dans les échanges (partager le surplus pour ne pas le gâcher) tout en respectant la liberté de penser et l’individualité.
Associer ces mouvements avec le design permacole seraient alors la clé. C’est en tout cas, pour Cheikh Thiam, le but vers lequel tendre. Une première étape serait, selon lui, de construire des maisons et espaces publics intégrant systématiquement des espaces potagers permacoles, afin d’assurer une certaine autonomie alimentaire à chacun. Car, «Dans la construction de ses villes et de son mode de vie, l’être humain s’est déconnecté de la production alimentaire, ce qui est, pour moi, une erreur. En effet, la nourriture ne pousse pas dans les supermarchés et la ville ne devrait pas assujettir le monde rural à pourvoir à sa faim insatiable dans une dynamique pour le moins malsaine». Ainsi chacun pourrait (devrait ?) avoir chez lui un petit potager lui permettant d’être autonome sur certaines produits et échanger librement avec ses voisins, créant ainsi une dynamique communautaire positive et des liens de solidarité qui, ultimement, conduisent à la résilience.
L’objectif n’est pas pour autant d’atteindre l’autosuffisance mais bien de recréer de nouveaux modèles d’échanges et d’interactions : « troc » de fruits et légumes au sein d’un quartier, nouvelle dynamique, plus saine, entre zones rurales et urbaines… et d’aller plus loin, et dépasser l’aspect seulement productif de la Permaculture afin d’y intégrer une dimension à la fois économique, comment transformer les produits de mon jardin en produits à forte valeur ajoutée ? mais aussi socio-culturelle, spirituelle et politique, comment permettre la réalisation du plein potentiel individuel et collectif?
Une nouvelle économie pourrait ainsi voir le jour, reposant sur des valeurs redéfinies, où l’empathie, la créativité, l’amour, l’écologie humaine et la justice sociale seraient intrinsèques à la définition des notions de développement et de richesse d’une nation. Une économie des relations pour le bien-être commun.
4 comments
Très intéressant et très clair pour une notion nouvelle. Bravo
Merci Marina !
Je suis d’accord avec votre manière de construire la permaculture urbaine. C’est dommage que les gens ne soient pas conscients de l’effet supermarché qu’ils n’ont pas la la notion de faire du culture potager.
En effet, c’est dommage mais il y a de plus en plus d’acteurs associatifs, notamment, qui travaillent à la diffusion de savoirs et savoir-faire en permaculture et en agroécologie ! On reste optimistes !