Moulaye Biaye est né et a grandi en Casamance dans une famille de planteurs, au milieu d’une zone agricole riche, où se trouve notamment plus de 80% de l’anacarde produite au Sénégal, mais en conflit à l’époque. De sa région, il ne voit, en grandissant, que la dégradation économique, la disparition des touristes et visiteurs et surtout la perte des cultures, que plus personne n’achète.
Pendant longtemps, peu d’initiatives s’intéressent au développement de la Casamance et la situation économique s’en ressent. Sur ce constat, Moulaye se rend en France pour des études de Mathématiques appliquées et de Finance, avec, déjà en arrière-plan, le projet de créer un jour son entreprise et d’avoir un impact en Casamance.
L’idée née progressivement, lors de ses retours en famille au milieu des anacardiers. En effet, en s’intéressant à cet arbre qui pousse tout autour de chez lui, il remarque que les producteurs utilisent seulement 10% de la récolte, la noix de cajou, et jettent le reste, notamment le fruit, pourtant cueilli ensemble. Ce gâchis l’interpelle, d’autant qu’il voit des agriculteurs peiner à vivre de leur récolte.
2. Apprendre
Après s’être renseigné, son choix est fait, il va créer une entreprise pour valoriser le jus de pomme de cajou et le distribuer à l’international, ayant observé une importante demande de boisson 100% naturelle, notamment en Europe. Avec pour objectif d’offrir de meilleurs revenus aux femmes, qui sont rarement propriétaires de terres et doivent donc assurer leur revenu par la cueillette. Il encourage ainsi les femmes à se constituer en groupement pour participer aux cueillettes, vendant les pommes à Moulaye.
De retour en France, il rencontre sa future femme et associée, Augustina Ephraim, docteur en génie des procédés, qui a le même objectif à cœur, valoriser les ressources rurales en Afrique. Ensemble, ils se renseignent sur les conditions de production auprès d’experts à l’institut SupAgro de Montpellier et à l’ITA de Dakar, la pomme de cajou ayant comme particularité de fermenter rapidement et d’être peu stable.
3. Se lancer
Les efforts finissent par payer et en 2019, soit 5 ans après la naissance de l’idée, Augustina et Moulaye créent la marque Casadeliz au Sénégal. Puis ils montent un appel à projet participatif qui leur permet de financer une partie du matériel nécessaire. Dans la foulée, ils lancent la première production destinée au marché local.
Ils font alors face à un nouveau défi, la mauvaise réputation du jus de pomme de cajou, accusé d’être alcoolisé, à cause de la fermentation. Sans se laisser impressionner, ils commencent alors un travail de prescription et organisent un grand évènement pour faire goûter leur jus, invitant notamment les imams afin de faire tomber les préjugés. La stratégie est payante, et permet d’élargir la clientèle, grâce au bouche-à-oreille.
4. Perséverer
Progressivement, Casadeliz séduit les professionnels, notamment les cantines scolaires, restaurants et hôtels. Malheureusement, la pandémie va ralentir l’activité. Cependant, loin de se laisser abattre, Augustina et Moulaye en profitent pour se structurer et préparer la suite. Ainsi en 2020, ils commencent la livraison à domicile à Dakar, signent une levée de fonds, obtiennent la bourse Mandela Washington Fellowship du programme américain Yali pour les jeunes leaders et reçoivent le soutien pour 5 ans de l’ONUDI, L’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, pour leur développement technique.
Un bel exemple d’une approche ambitieuse qui a su revoir ses objectifs pour s’adapter aux contraintes et obstacles rencontrés tout en conservant son identité première, l’ancrage local.