Notre série d’articles sur les écolieux se poursuit en Casamance dans la région de Ziguinchor, plus précisément dans le village de Diannah près de Kafountine. Depuis 2014, Abdallah et Noemie Savel Diatta y portent le projet Darou Salam, “la Demeure de la Paix”, un lieu de vie, et d’accueil, en agro-écologie et en permaculture. Nous avons échangé avec eux pour comprendre l’histoire du projet, leurs motivations et leurs ambitions.
Pouvez-vous nous présenter le projet en quelques mots?
Abdallah et Noemie Savel Diatta: Dans une démarche de retour à la terre, à l’humain et au sacré, Darou Salam est centré sur l’agroécologie, la permaculture, l’agroforesterie et la spiritualité. Cet écolieu s’active également sur le maraîchage, la transformation de produits et des formations pratiques en permaculture.
Comment tout a commencé ?
A. et N. S.D: Darou Salam a commencé via des réflexions de groupes de jeunes (GIE Jokko), interpellés par les problèmes liés à l’environnement et à la société de consommation. On se documentait sur les alternatives possibles, la permaculture, l’écologie, le bio etc… Nous étions plutôt dans la théorie et en 2014, nous sommes passés à la pratique et au travail de terrain.
Nous sommes arrivés sur un terrain d’un hectare non clôturé, avec un puits hors de fonction. On a commencé avec les moyens du bord et les amis à construire les premiers bâtiments avec l’argile du terrain. Les premiers jardins étaient alors de petits espaces clôturés au sein du terrain, qui lui ne l’était pas. Puis, au fur et à mesure, on a installé une clôture, défini des espaces par zones. On a réfléchi au fonctionnement du lieu, commencé à exploiter des petits espaces, et à transformer des produits grâce aux manguiers trouvés sur place…toujours avec des amis et visiteurs de passage !
Pourquoi avoir conçu l’écolieu Darou Salam?
A. et N. S.D: Darou Salam, c’est une forêt nourricière en construction. On s’inscrit dans une démarche d’auto-suffisance alimentaire. Raison pour laquelle nous utilisons des techniques d’agro-écologie (compostage, semences, éco-habitat, cultures et boisement..), de permaculture (design permacole, rotation et association de cultures, permaculture sociale…) et d’agro-foresterie pour une gestion intégrée de la fertilité du sol à long terme (haies vives, brise-vents, arbres fertilitaires, culture de légumineuses, arbres forestiers endogènes en voie de disparition, fixateur d’azote, entre autres).
C’est aussi une démarche de complémentarité : chaque élément apporte à l’autre, et reçoit également. Chaque chose est à sa place, c’est à nous de composer avec.
Quel message souhaitez-vous transmettre par ce lieu?
A. et N. S.D: Changement de comportement à l’égard de la nature, montrer qu’il est possible d’entreprendre autrement, dans une démarche éco-responsable. Nous obtenons beaucoup de la nature et que donnons-nous en retour ? C’est en cela que la démarche est globale. C’est une histoire d’éthique, de conscience, un choix de vie. C’est cela la permaculture : observer la nature afin d’optimiser les interactions. Valoriser les ressources : gagnant gagnant, ensemble. Penser global, être conscient des systèmes et enjeux politiques et environnementaux. Et agir local, en étant impliqué dans sa communauté.
Le problème, aujourd’hui, c’est comment nourrir tout le monde sainement tout en garantissant la fertilité des sols ? C’est là où intervient l’agro-écologie. L’agriculture familiale redonne aux populations la possibilité de bien se nourrir et donc de bien vivre tout en préservant les ressources.
Quelle est l’organisation pratique du lieu?
A. et N. S.D: L’écolieu est divisé en 5 espaces: l’espace de vie, auto-construit en argile, le verger de manguiers, l’espace maraîcher permacole, l’espace élevage et bois sacré. Depuis 5 ans, on puisait l’eau pour arroser les légumes et les arbres mais en 2020, on a pu installer un forage grâce à une collecte de fonds. Ça facilite nos conditions de travail et le maraîchage.
Nos productions sont d’abord consommées sur le lieu, partagées et vendues en cas de surplus. La transformation de produits a commencé en 2015 avec les mangues. Il y avait énormément de pertes sur le terrain et dans la zone faute d’acheminement adapté, nous avons donc commencé à les conserver en confitures. Au fur et à mesure, et grâce au bouche à oreilles, nos produits se sont diversifiés.
Nous proposons aujourd’hui 7 variétés de confitures (mangue, ditakh, maad, bouye, hibiscus rouge et blanc, papaye, orange, tamarin), que l’on vend à la ferme ainsi que dans des boutiques locales. Les fruits séchés et farines ainsi que les tisanes se sont mis en place en parallèle, grâce à la construction d’un séchoir solaire. En 2018, nous avons nommé cette petite entreprise Adiana, qui rappelle le nom de notre village Diannah.
Grâce à notre réseau associatif, nous sommes également impliqués dans l’environnement de la zone. Depuis 2015, avec notre association Duniamâ, nous accompagnons des jardins de femmes de deux villages (projet « Jardins de femmes & Permaculture ») et plus récemment, le jardin pédagogique de l’école de Diannah (projet « Jardin école & Environnement »).
Nous sommes impliqués dans le réseau permacole de la zone. En 2016, nous avons organisé une convergence de permaculture et des chantiers collectifs hebdomadaires. Actuellement, nous proposons des formations pratiques (définir design + pratique + suivi) dans différents lieux. Par exemple, avec l’association Renken sur leur lieu agro-touristique Niokko bokk ou encore l’association Djarama pour leur projet l’école du Dialaw.
Quel avenir pour Darou Salam ?
A. et N. S.D: Nous souhaitons faire évoluer davantage les transformations de produits Adiana, tant en termes de diversité que de qualité. Avec la construction d’ un laboratoire alimentaire spécialement conçu pour la transformation des fruits et des plantes. Il s’agit d’une pièce carrelée, avec accès à l’eau et des équipements et rangements adéquats. Grâce à ce laboratoire, nous pourrons former les jeunes, les femmes et les hommes de notre communauté et leur permettre de créer des sources de revenus. Nous sommes ouverts à toute forme de soutien concernant ce projet.
Vous souhaitez avoir plus d’informations sur le projet ? Soutenir le projet ? Vous pouvez contacter Abdallah et Noemie Savel Diatta par mail : contact.adiana@gmail.com
Retrouvez toute l’actualité de Darou Salam sur Facebook: https://bit.ly/2OgXNmE
3 comments
Bravo!
Magnifique article et très belles photos !
Ce lieu est empli de magie et de beauté mais ce qui marque le plus quand on a la chance de s’y arrêté s’est l’harmonie avec la nature, la paix qui s’en dégage.
Longue vie 🙂
Merci Benj !
En effet, longue vie à Darou Salam ! 🙏