Cette semaine, nous sommes allées voir Abdoulaye Gueye, formateur expert sur le projet Perm&change, que nous vous avions déjà présenté ici pour en savoir plus sur son parcours et sa vision de la Permaculture au Sénégal.
1. Quand vous êtes-vous initié à la permaculture?
J’ai vécu en Californie de 2000 à 2011 et j’ai découvert là-bas l’agriculture urbaine et bio. Pendant ces années, nous avons beaucoup appris avec ma femme sur ce sujet et avons développé une passion pour le jardinage et l’agriculture. En rentrant au Sénégal en 2011, nous avons souffert de la
difficulté à trouver des fruits et légumes frais et de bonne qualité aux alentours de Dakar. Notamment parce qu’à l’époque, tout le monde avait recours à des pesticides. C’est ainsi que je me suis véritablement lancé, en commençant à cultiver mon propre jardin dans des pots.
J’ai commencé par cultiver de la salade, des tomates, du piment, des aubergines et des herbes comme le thym, le romarin et la menthe, dans des pots, pour notre consommation familiale.
En 2013, j’ai voulu diversifier ma production et tester plus grand : j’ai trouvé 2 hectares de jardin à côté du Lac Rose et j’ai appliqué les principes permacoles pour faire pousser du piment, des légumes et des épices.
Ma production dépassant ma consommation familiale, j’ai commencé à la vendre, avec succès, sur le marché à Ouakam.
3. Avez-vous été confronté à des difficultés?
Comme je le disais, en 2011, presque tout le monde avait recours à des pesticides et engrais chimiques, en tout cas dans 99% des champs que j’ai visité! L’usage était de reprendre les méthodes traditionnelles, de reproduire les mêmes gestes que nos parents et grands-parents, sans se poser de questions. Résultat, une culture peu variée, reposant sur quelques légumes, utilisés pour les plats locaux (chou, aubergine, pomme de terre, carotte, courge, navet).
Personne ne connaissait vraiment ce qu’était l’agriculture bio ou la permaculture, ni s’y intéressait, je me sentais un peu seul… Alors j’ai commencé à agir!
Pour plus de diversité et faire découvrir de nouveaux goûts, j’ai commencé à rapporter et faire pousser des graines d’ailleurs (États-Unis, France…), en utilisant toujours des méthodes de production bio, qui fonctionnent très bien au Sénégal !
Et, progressivement, j’ai rencontré des acteurs engagés, grâce notamment au mouvement Slow Food (que j’avais connu en 2000 aux États-Unis) et l’ONG Enda Pronat. Les premières coopératives bio (Keur Moussa, Kayor et Bayar) ont commencé à voir le jour en 2013. En parallèle, j’ai approfondi mes connaissances en participant à des formations et ateliers en agriculture, dont une très marquante sur la culture en milieu aride par Aviram Rozin.
Cet élan m’a donné envie de m’investir davantage afin de promouvoir une agriculture locale et saine, accessible à tous et à tous les niveaux. J’ai donc créé le convivium Slow Food au Sénégal, avec pour volonté de rassembler une communauté active afin d’échanger ici, au Sénégal, mais également partout dans le monde! Un de nos grands objectifs est d’identifier des produits du terroir rares ou en en voie de disparition – comme le fonio, les dérivés du baobab, ou encore le tamarin, et de les faire connaître du plus grand nombre.
Ainsi, il y a eu, en moins de 10 ans, une véritable et profonde évolution des pratiques et surtout des mentalités, le public s’est progressivement ouvert et intéressé aux produits bio, ce qui est très encourageant !
4. Quels sont vos nouveaux projets?
J’ai de plus en plus de demandes pour aménager des jardins privés. Je dispose désormais d’assez de pépinières pour pouvoir initier la plantation puis je confie l’entretien à des personnes que je forme, cela créé de l’emploi en plus !
Et, depuis 2016, j’interviens dans les écoles pour sensibiliser les élèves. Je suis actuellement présent dans 5 écoles à Dakar, pour lesquelles j’installe un jardin potager, utilisé pour la consommation des élèves et crée du compost, que nous revendons. Mon rêve est qu’un jour, chaque école du Sénégal dispose de son propre jardin, afin que les élèves aient accès à des fruits et légumes frais et qu’ils soient conscients de l’importance d’une alimentation et d’une agriculture saine. Car notre espoir d’un meilleur avenir réside dans la jeunesse !
L’enjeu maintenant est de trouver des personnes compétentes et concernées afin qu’elles assurent le suivi régulier des jardins.
Enfin, j’aimerais réussir à convaincre plus de personnes de l’importance du compost et du tri des déchets organiques, qui représentent un enjeu primordial ! Que les gens prennent conscience que c’est non seulement une ressource bonne pour l’environnement, mais que le compost est beaucoup plus riche et donne de meilleurs résultats que de la terre achetée chez un fleuriste.
5. En parlant de compost, quelle méthode préférez-vous ?
Après avoir pratiqué le compostage pendant plusieurs années, j’ai opté pour la méthode Bokashi (qui a été initiée au Japon), car ce type de compost est facile à produire et très rapide quand il est pratiqué correctement. En 21 jours, on peut récolter et utiliser son compost. J’applique notamment cette méthode depuis le mois de juin, dans le cadre du projet Perm&Change à Ndiaganiao, en collaboration avec Mediaquart’.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les initiatives d’Abdoulaye, contactez-nous à l’adresse suivante, mediaquart.contact@gmail.com