Chaque 22 mars, les Nations Unies célèbrent la Journée mondiale de l’eau. Cette année est placée sous le signe de la valeur de l’eau. Essentielle pour les populations, la santé, le développement humain et social, elle est également indispensable à l’agriculture qui représente le secteur le plus consommateur d’eau à l’échelle mondiale mais aussi l’un des plus grands pollueurs de cette ressource…
A cette occasion, nous avons demandé à Noémie et Abdallah Savel Diatta, fondateurs de l’écolieu Darou Salam en Casamance (Sénégal), de nous parler de la gestion optimisée de la ressource en eau sur leur site et de leur expérience avec le forage !
Pouvez-vous nous parler des ressources en eau présentes sur le site de Darou Salam ?
Noemie et Abdallah Savel Diatta: Depuis qu’on s’est installé, on a cherché une solution efficace pour la collecte de l’eau. Sur le site, nous avons un puits à 18 mètres de profondeur. Pendant cinq ans, nous avons puisé de l’eau dedans pour le maraîchage, l’arrosage des arbres et toute la vie quotidienne (douche, linge, vaisselle, etc.). On a essayé d’installer une pompe solaire et une pompe immergée. On s’est aussi renseigné sur les pompes avec des groupes électrogènes mais à chaque fois, les pompes allaient jusqu’à 13 mètres de profondeur. Il nous a donc fallu chercher un autre système pour récupérer l’eau de notre puits.
Il y avait une seconde problématique. Notre puits est en argile. Si on met une pompe directement dans un puits en argile, on prend le risque qu’il s’effondre avec la pression. C’est pourquoi on a opté pour l’installation d’un forage en mai 2020. Il va chercher l’eau directement dans la nappe phréatique à 24 mètres de profondeur. Grâce à cela, on n’a pas de pénuries d’eau et en plus, l’eau est pure.
N. et A. S.D: La composition du sol peut être plus ou moins contraignante pour le creusage. A Darou Salam, c’est la roche qui a posé quelques difficultés aux techniciens qui en sont venus à bout grâce à un genre de marteau-piqueur et une pompe qui aspirait la terre. A d’autres endroits, plus proches de la mer, la terre est plus sableuse et le sable peut entrer dans les outils. Autre difficulté: les racines qui peuvent casser les tuyaux du forage. C’est ce qui est arrivé à l’un de nos voisins installé sur un site où se trouvent des arbres centenaires avec de grosses racines difficiles à contourner. Pour anticiper les obstacles, les techniciens peuvent passer une sonde dans le sol avant de commencer à creuser. C’est ce qui a été fait à Darou Salam.
Il faut aussi prendre en compte le métrage. Certains techniciens ont un prix au mètre, d’autres un prix fixe mais dans tous les cas la profondeur joue sur la quantité de matériel nécessaire pour forer, et donc sur le prix final.
Hormis le forage, quels systèmes d’irrigation existent ?
N. et A. S.D: Ici, le plus souvent , les gens ont des groupes électrogènes qui nécessitent du gasoil ou de l’essence. Ils ont une pompe immergée dans leur puits. C’est ça qui tire leur eau et ils la stockent dans des bassins ou dans un château d’eau et avec ça, ils peuvent arroser. C’est moins coûteux mais c’est bruyant et écologiquement parlant, ce n’est pas l’idéal.
Les gens investissent également dans des pompes solaires avec des panneaux. Ils profitent du fait qu’il y ait du soleil à peu près tous les jours pour faire une connexion directe. C’est ce qu’ont fait nos voisins et ils ont quand même de l’eau de 10h à 17h pour arroser. C’est beaucoup moins coûteux, ça fonctionne bien mais ça n’est pas forcément du matériel de qualité et ça n’est pas très durable non plus.
En termes de solutions low tech, le top du top, ce sont les puits qui sont connectés à une pompe de récupération et un vélo ou une pompe de roue de vélo qui fait remonter l’eau. On le voit beaucoup à Dakar ou en ville. Ces systèmes sont plus adaptés à une consommation pour les besoins du quotidien, moins pour arroser un hectare.
Quelles sont vos pratiques pour un usage optimisé des ressources en eau ?
N. et A. S.: D’abord nous avons placé un raccord derrière chaque douche qui achemine l’eau de la douche dans les bananiers. Toutes nos eaux grises de vaisselle et autres partent aussi dans les arbres.
Puis, on a mis en place un système de bidons en goutte à goutte pour arroser les arbres fruitiers. On remplit d’eau des bidons de 20 litres qu’on perce en bas avec une grosse aiguille et qu’on déplace chaque jour d’arbre en arbre comme ça l’eau se diffuse lentement et c’est grâce à ça qu’on a pu arroser autant d’arbres sans qu’il n’y ait trop de pertes. Autre exemple: en deux ans, les femmes du jardin qu’on accompagne avec Duniamâ ont pu obtenir des oranges à profusion en arrosant leurs cultures maraîchères placées à proximité des orangers.
Enfin, on fait de l’étagement des cultures, c’est-à-dire qu’on va associer des plantes de différentes hauteurs, par exemple, une plante qui va ramper sur le sol, une autre qui va faire 30 centimètres, puis un petit arbuste et un grand arbre, et du coup en arrosant l’un, on les arrose tous. C’est la meilleure manière d’optimiser son eau.
Et bien sûr, on met en pratique l’un des plus grands principes de la permaculture, le paillage ! Ça sert à garder le sol humide et ça permet aussi une décomposition lente de ce paillage et d’ajouter de la matière organique au quotidien à tes plantes.
Quel bilan 10 mois après l’installation du forage ?
N. et A. S.: Grâce au forage, on peut davantage arroser nos arbres mais d’ici 5 à 10 ans, on devrait avoir de moins en moins besoin de le faire grâce à l’extension de leurs racines qui pourront aller boire de l’eau dans la nappe phréatique et ainsi créer une sorte d’humidité naturelle du sol.
Par ailleurs, le forage nous permet d’envisager une extension de notre zone de maraîchage, actuellement autour de la maison. Cette extension sera également possible grâce à la création de bassins de rétention d’eau qui nous donneront un accès à l’eau sur tout le terrain.
On peut dire que le forage c’est un investissement important mais c’est quand même une garantie pour la disponibilité en eau.
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